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Langue claire et simple : rendre le message intelligible

Emmanuelle Samson
(L’Actualité langagière, volume 4, numéro 3, 2007, page 12)

Notre article précédent traitait de lisibilité : comment choisir les bons éléments linguistiques et visuels pour rendre le message clair. Une fois ce cadre en place, vous pouvez commencer à y verser du contenu. Mais attention aux faux pas : vous pourriez mal transmettre votre pensée. Ou plutôt, vos lecteurs pourraient mal interpréter vos propos. Il n’est pas toujours facile d’éviter ce genre d’ambiguïté. Choisir l’information pertinente, bien la structurer et veiller à la cohérence de l’ensemble exigent de la planification et de la discipline. Voilà ce qui donne un sens à votre message et le rend intelligible.

PERTINENCE

Allez jeter un coup d’œil aux courriels dans votre boîte de réception. Serez-vous pressé d’ouvrir un courriel dont l’objet est « Politique interne numéro 102 »? Vous le laisserez peut-être de côté un certain temps, peut-être le classerez-vous sans l’avoir lu ou le supprimerez-vous carrément. Par contre, si vous savez qu’il porte sur les mesures à prendre lorsque vous voyez circuler dans vos bureaux une personne qui ne vous est pas familière, vous ouvrirez ce courriel sans hésiter. Un titre comme « Signalez la présence d’intrus dans l’immeuble » aurait été bien plus efficace. Comme lecteur, vous auriez tout de suite saisi la pertinence de ce courriel pour vous. Quand vous rédigez, pensez à rendre vos documents pertinents pour tous vos lecteurs.

L’information contenue dans vos documents doit être complète et concise. Le défi à relever : inclure toute l’information nécessaire, et seulement l’information nécessaire. Votre message se comprendra mieux s’il contient les éléments essentiels et qu’il est exempt de détails superflus. Outre qu’elle doit s’appuyer sur des faits et sur une recherche sérieuse, l’information doit être adaptée au public cible. Gardez à l’esprit que vous pourriez devoir occasionnellement mettre à jour vos documents pour que l’information demeure complète et exacte.

STRUCTURE

Vous êtes certain de la qualité de votre information? Le temps est venu d’en isoler les éléments et de les réorganiser jusqu’à ce que vous trouviez la meilleure structure qui soit. Ayez à l’esprit le message à transmettre et essayez d’organiser l’information pour que les points à faire ressortir soient évidents. Pour rester sur la bonne voie, ne rien oublier et éviter les redites, envisagez de vous faire un plan.

Organisation de l’information

Rassemblez toute l’information liée à une idée, puis placez les éléments dans un ordre logique. En procédant ainsi pour chacune de vos idées principales, vous pouvez « monter la charpente » de votre document. Les idées principales peuvent être amenées de diverses façons. En voici quelques-unes :

  • aller du général au particulier (ou l’inverse)
  • opposer les éléments positifs aux éléments négatifs
  • présenter les idées plus importantes et les faire suivre des idées moins importantes
  • exposer les faits selon l’ordre chronologique

Points de référence

Rédigez une introduction qui présentera les idées principales dans l’ordre où elles seront développées. Insérez ensuite des titres pour montrer clairement l’endroit où ces idées principales seront traitées, de même que des sous-titres pour donner une structure à ces idées. Si vos points de référence sont simples, concis et explicites, votre lecteur saura à quoi s’attendre. Et si ce dernier retrouve dans vos titres et sous-titres des mots que vous utilisez dans le corps du texte qui suit, vous venez de lui épargner bien des devinettes.

Efforcez-vous de choisir la structure qui convient au type d’information que vous voulez transmettre. Envisagez de présenter les instructions étape par étape, d’utiliser des listes précédées de puces, d’ajouter des tableaux et des graphiques. Il est également utile d’insérer une table des matières dans les longs documents. Tout ce que vous pourrez faire pour faciliter la lecture rendra votre message plus intelligible.

COHÉRENCE

La cohérence est l’une des qualités essentielles d’un texte. Elle se manifeste dans les liens que le rédacteur crée entre les phrases et entre les paragraphes. Pour que votre document forme un tout logique et harmonieux, assurez-vous que vos idées suivent une progression naturelle et qu’elles ne créent pas d’ambiguïté.

Progression

Pour obtenir un texte cohérent, il doit y avoir une progression visible dans la structure du texte, ainsi que sur le plan des idées. Cela vous permettra d’atteindre plus sûrement le but de votre communication (informer, convaincre, sensibiliser, etc.).

Utiliser des marqueurs de relation lexicaux (en effet, cependant, parce queetc.) est une bonne stratégie. Ces marqueurs, qui servent à lier des parties de phrases, des phrases ou des paragraphes, sont indispensables à la bonne rédaction. En effet, il est souvent plus difficile de comprendre deux phrases courtes qui ne sont pas liées par un marqueur qu’une phrase plus longue où un marqueur est employé. L’exemple suivant le montre bien :

Claire est enceinte. Elle a été congédiée.
Claire a été congédiée parce qu’elle est enceinte.

Il ne faut toutefois pas abuser des marqueurs qui pourraient, en trop grand nombre, alourdir le texte et même nuire à sa cohérence. Dans certains cas, une ou plusieurs phrases peuvent assurer une transition logique vers une autre idée.

Élimination des ambiguïtés et des incohérences

Pour que vos textes soient cohérents, ils doivent être exempts de toute ambiguïté. En fait, vous devez faire en sorte que chaque idée exprimée mène à une seule interprétation possible.

Il existe plusieurs façons d’éviter les ambiguïtés lorsque le contexte ne suffit pas :

  • Bien enchaîner les propositions.

    Au lieu d’écrire :

    Un accident s’est produit pendant que les étudiants faisaient un examen sur la pelouse.

    On pourrait écrire :

    Un accident s’est produit sur la pelouse pendant que les étudiants faisaient un examen.

  • S’assurer que les pronoms, les possessifs et les démonstratifs renvoient au bon antécédent.

    Dans l’exemple suivant, l’usage du pronom il ne permet pas de savoir si l’on parle de l’ambassadeur ou du ministre :

    L’ambassadeur se rendra à la cérémonie pour rencontrer le ministre. Il devra retourner au bureau à 9 h.

    Pour éliminer cette ambiguïté, il aurait fallu écrire :

    L’ambassadeur se rendra à la cérémonie pour rencontrer le ministre, qui devra retourner au bureau à 9 h.

    ou

    L’ambassadeur, qui se rendra à la cérémonie pour rencontrer le ministre, devra retourner au bureau à 9 h.

  • S’assurer que l’emploi d’un complément du nom ne crée pas d’ambiguïté.

    Par exemple :

    Connaissez-vous les règles des comités?

    S’agit-il des règles qu’imposent les comités ou des règles auxquelles les comités doivent se soumettre? Mieux vaut préciser le sens d’un énoncé lorsque aucun indice ne permet de bien l’interpréter. Selon le contexte, on aurait pu écrire :

  • Connaissez-vous les règles imposées par les comités?

    ou

    Connaissez-vous les règles que doivent suivre les comités?

  • Expliciter les mots sous-entendus qui sèment la confusion.

    Au lieu d’écrire :

    J’ai félicité Raymond, mais pas Daniel.

    Il aurait fallu écrire :

    J’ai félicité Raymond, mais je n’ai pas félicité Daniel.

    ou

    J’ai félicité Raymond, mais Daniel ne l’a pas fait.

Une structure grammaticale déficiente ou un non-dit n’est pas toujours la cause d’une ambiguïté ou d’une incohérence. Voici d’autres conseils pour éviter de dérouter votre lecteur :

  • Évitez d’employer des références culturelles qui ne sont pas connues du lecteur.

    Par exemple :

    Bien sûr, tous les travailleurs aimeraient que chaque jour soit le Premier mai.

    Le lecteur pourrait mal interpréter le message s’il ignore que le Premier mai est la Fête des travailleurs, un jour férié qu’on célèbre le 1er mai en France et dans d’autres pays. Avant d’employer une référence culturelle, demandez-vous si le lecteur est en mesure de bien la comprendre.

  • Évitez d’employer des images incohérentes qui peuvent avoir des effets cocasses.

    Au lieu d’écrire :

    Le client n’était pas content : il a signé le contrat du bout des lèvres.

    On pourrait écrire :

    Le client n’était pas content : il s’est montré réticent à signer le contrat.

L’intelligibilité est un sujet très vaste et nous n’avons pu faire qu’un survol de ce grand principe de la langue claire et simple. Toutefois, si vous veillez à ce que vos écrits soient pertinents, structurés et cohérents, vous traduirez mieux votre pensée et améliorerez ainsi l’intelligibilité de vos textes.